Chalet mégevan : une invention de l’architecte Henri-Jacques Le Même

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Le chalet, tel que nous le connaissons aujourd’hui sous ses allures modernes, n’a pas toujours existé.  Inspiré par une nouvelle forme de villégiature hivernale, Henri-Jacques Le Même « invente » à Megève, première station française de sports d’hiver en 1920, un habitat à la croisée de deux cultures, à la fois montagnarde et urbaine.

Le chalet mégevan, symbole d’une évolution sociétale

Même si le chalet a toujours fait partie du paysage montagnard, il a du s’adapter à partir des années 20 à une société en quête d’un nouveau sport : le ski.

Megève : du village à la station

Avant l’avènement du tourisme hivernal, Megève est une petite bourgade agricole où les habitants vivent d’une terre riche et fertile. Comme en témoignent les clichés, le premier concours de ski est créé en 1914. Les sportifs, notamment genevois, investissent le petit village pour pratiquer cette activité, qui demeure encore une véritable curiosité à cette époque. Dynamisé par les papiers de Mathilde Le Fournier, journaliste et alpiniste,  Megève connaît une nouvelle vocation après la première guerre mondiale : village d’altitude, le bourg se transforme en station de ski de renommée mondiale.

D’un chalet d’alpage, il devient habitat de villégiature

Le chalet mégevan, habitat du paysan pendant l’inalpage, fait partie intégrante de la tradition et des paysages montagnards. Avec le développement des sports d’hiver, le chalet mue et se reconvertit pour satisfaire les touristes français et étrangers venus pratiquer le ski à Megève. Lorsque l’architecte Henri-Jacques Le Même débarque de Paris en 1926 et arrive dans ce petit village de Haute-Savoie, il découvre quelques hôtels, des maisons rurales, des fermes d’une longueur inhabituelle et des chalets rustiques. Pendant l’entre-deux guerres, l’architecte adapte le chalet tel que conçu originellement et le transforme en chalet de skieur, tout en l’harmonisant au milieu montagnard.

Le chalet subsiste mais devient un nouvel objet architectural.

La baronne de Rothschild, en janvier de cette même année, lui commande un chalet au confort raffiné et aux allures de ferme locale sur les plateaux du Mont d’Arbois. Cette date marque le début de l’art du chalet mégevan tel qu’imaginé par Henri-Jacques Le Même. Se succèdent des ouvrages tout aussi prestigieux, les chalets Pichard et Bourbon qui demeurent encore aujourd’hui des symboles de l’architecte.

L’art du chalet mégevan

Henri-Jacques Le Même, qui appartient à cette génération que Le Corbusier aime à qualifier d’« esprit nouveau », sera confronté à des demandes singulières pour un architecte en montagne. Malgré les exigences de confort et d‘élégance requises par ses clients, la nécessité de créer des espaces dédiés à la pratique du ski, la volonté de garder une entité architecturale régionale et le manque d’entreprises qualifiées sur place, Henri-Jacques le Même va tout de même donner entière satisfaction à ses fidèles en inventant une réponse nouvelle.

Un espace bien calibré

Selon Henri-Jacques Le Même, le chalet doit faire corps avec son habitant, le skieur, qui le temps de sa villégiature, « dépouille ses vêtements de citadin et trouve certainement avec joie une architecture et une décoration qui s’accordent avec son déguisement temporaire ». Les formes et les matériaux traditionnels deviennent des sources d’inspiration réinterprétées dans le chalet du skieur, qui doit cependant conserver son cachet urbain à travers le confort, l’élégance et la décoration. Les notions de mode et de goût jusque-là mises de coté dans la création d’un chalet mégevan, marquent une appartenance à la culture urbaine.

Le chalet se trouve dès lors investi d’une mission délicate : « parler de la montagne à des citadins et rendre compte de la façon dont ils souhaitent vivre à la montagne ».

En découle une distribution spatiale verticale particulière et novatrice pour l’époque et à l’antithèse des fermes traditionnelles, dont les façades mesuraient 17 mètres de long :

  • 2 entrées, une principale au rez-de-chaussée et une seconde en sous-sol pour le skieur qui arrive skis aux pieds ;
  • Au niveau intermédiaire, les pièces de vie jouissant de grandes ouvertures et de balcons ;
  • Sous les combles, l’espace nuit.

Cette verticalité s’impose tout naturellement à l’architecte qui veut réduire l’empreinte au sol du chalet mégevan tout en gardant l’organisation sociale schématisée par disposition de l’espace. Le haut et le bas symbolisant les propriétaires /les personnes de service, les parents /les enfants, les hommes/ les femmes, etc.

Une décoration « ad hoc »

Le chalet mégevan Le Même se montre et est voué à accueillir des convives. L’architecte met un point d’honneur à proposer des aménagements sur mesure et une décoration chaleureuse, raffinée mais surtout singulière.

Il n’hésite pas à marier les matériaux modernes et industriels tels que la tôle ondulée, le contreplaqué, le linoléum à des matières naturelles et rustiques comme le bois.

L’esprit du mouvement Art Déco est omniprésent dans les chalets mégevans réalisés par Henri-Jacques Le Même ; on retrouve notamment la précision des tracés, une ornementation intégrée aux fondations, la simplicité des motifs …

Le chalet mégevan, tel que le conçoit l’architecte, a su convaincre. Il n’est plus rustique ou rural, il « fait simplement montagne ».

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